Créer une entreprise

L'incubateur ne doit pas être la raison principale de créer une entreprise. Trop souvent, de nouvelles entreprises sont créées dans le but d'intégrer des incubateurs. Cependant, après quelques mois ou années, ces startups passent plus de temps dans des salons et des formations au lieu de chercher des clients, produire des prototypes ou mettre en place des solutions concrètes. Ce sont pourtant ces résultats tangibles qui permettent d'obtenir des financements pour embaucher et développer l'entreprise.

L'entreprise doit répondre à un besoin technique et opérationnel. Des organisations comme NEC nécessitent diverses compétences et outils spécialisés planifiés dans le temps. Plutôt que de gérer individuellement chaque expert et tâche, NEC préfère contractualiser avec une entité capable de prendre en charge un sous-ensemble du projet, comme le système numérique. Ainsi, les tâches sont mieux distribuées et la cohérence est maintenue. Par exemple, si le système numérique inclut la gestion des emails, le sous-traitant devrait également offrir cette compétence ou la sous-traiter lui-même. Si plusieurs objectifs de NEC nécessitent des emails, il pourrait être pertinent pour NEC d'internaliser cette compétence.

L'entreprise doit répondre à un besoin d'organisation sociale qui transcende l'individu. Les citoyens travaillent principalement pour subvenir à leurs besoins financiers, et beaucoup d'entrepreneurs créent leur entreprise pour des raisons personnelles – pour se forger une image, se donner un rôle ou s'enrichir. Or, les individus doivent pouvoir évoluer librement, éviter des environnements toxiques, apprendre de nouvelles compétences et relever de nouveaux défis. En même temps, les organisations doivent coopérer sur la durée sans être trop perturbées par les mouvements individuels. Toute organisation collective doit s'élever au-dessus des intérêts individuels pour servir les intérêts d'autres organisations. Pour garantir une qualité durable, les organisations contractualisent avec des entités juridiques plutôt qu'avec des individus, minimisant ainsi les perturbations dues aux changements de personnel. Ces besoins organisationnels se manifestent entre les entreprises, tandis que les besoins individuels se satisfont au sein de l'entreprise employeuse.

Créer une entreprise pour répondre à des besoins spécifiques sur un marché. Qui voulons-nous servir, pour quels objectifs et pour combien de temps ? La pérennité d'une entreprise repose sur la clarté et la précision de sa mission sociale. La principale raison de créer une entreprise est de répondre à des besoins spécifiques en produits ou services nécessitant un engagement moral. Une entreprise peut se spécialiser et répondre à des besoins techniques spécifiques d'un ensemble d'acteurs.

On ne crée pas une entreprise simplement pour monétiser un outil. Un outil isolé ne répond pas à un besoin réel; c'est son intégration dans un service donné pour atteindre un objectif spécifique qui est essentielle.

On ne crée pas une entreprise pour faire de la recherche et développement (R&D). Beaucoup d'entrepreneurs se lancent dans des projets de R&D via une entreprise, mais cela comporte trop de risques car l'entreprise pourrait disperser ses moyens limités pour survivre. Il existe des alternatives pour financer la R&D, comme les investissements ou les prêts garantis par l'État à obtenir pour justifier la création d'entreprise. Les fonds, de plus en plus concentrés au niveau européen, avec des montants et conditions élevés, sont généralement accessibles aux grandes entreprises qui ont souvent du mal à innover. Il faut souvent s'associer avec une grande entreprise ou bénéficier de financements ruisselés pour réussir dans la R&D, à condition d'être en phase avec la stratégie politique.

L'entreprise existe pour gérer collectivement les risques. Mettre en commun les ressources, les compétences, le temps et le travail assure un service fiable et durable, tant pour les entreprises que pour les individus. Des moments de difficulté surviendront inévitablement, et il est crucial de prévoir ces situations dans les statuts de l'entreprise pour éviter la paralysie, la désertion ou la prise de contrôle hostile. Des mécanismes doivent être mis en place pour assurer la continuité de l'entreprise malgré les conflits, y compris au niveau de la direction. Les fondateurs doivent prévoir leur sortie de l'entreprise et la relève par d'autres.

Il est trompeur de vendre une solution technique numérique sans le service de communication associé. Un système numérique est avant tout un outil de gestion de l'information destiné à la communication. Si l'expertise technique est dissociée des objectifs de communication, le système risque de ne pas répondre aux besoins. Construire un pont, ce n'est pas vendre du béton ou des compétences en construction, c'est vendre une infrastructure permettant la traversée, dimensionnée aux besoins et au budget prévus. Je propose donc d'étendre la mission de l'entreprise à un service de communication assistée par l'informatique, permettant d'automatiser, d'évoluer et de contextualiser les services. C'est particulièrement pertinent dans le domaine de l'événementiel, où la concurrence est rude en termes de service et de communication, mais où il est possible de rivaliser sur les prix.

On ne crée pas une entreprise pour vendre des services qui ne nécessitent pas d'engagement moral. Le conseil, la formation et les développements spécifiques sont des services annexes. Bien qu'une entreprise puisse fournir ces services, ce ne doit pas être son activité principale car ils ne répondent pas à un besoin social clair. Ces services dépendent trop des aléas du marché et des pratiques des autres entreprises, entraînant un manque d'indépendance. Une entreprise ne devrait pas disperser sa communication en cherchant à vendre trop de choses différentes, mais plutôt apprendre à cibler sa valeur ajoutée et les acteurs qui en bénéficieront le plus.

On crée une entreprise pour faire baisser les prix. Une entreprise dont l'objectif est d'augmenter les prix ne sert pas le bien commun ou ses clients. Ces entreprises peuvent exploiter des zones de flou juridique ou d'illégalité pour accumuler des profits décorrélés de leur utilité sociale réelle. Pour faire baisser les prix, il est nécessaire d'augmenter l'échelle, au risque de diluer la propriété et la responsabilité, en particulier vis-à-vis des producteurs et des bénéficiaires. Il est également dangereux de vouloir baisser les prix simplement pour augmenter les profits. Il faut toujours répondre à un objectif sociétal: fournir un service utile aux autres sans tromperie.

Les coopératives sont une solution pour socialiser et responsabiliser les grandes entreprises. Les niveaux de service élevés d'aujourd'hui nécessitent des entreprises plus grandes, avec des moyens mutualisés et de nombreux clients, particulièrement dans les services numériques coûteux. Ces grandes entreprises doivent être rentabilisées à grande échelle, tout en maintenant une gouvernance inclusive et transparente pour développer une responsabilité collective.

On ne vend pas de l'éthique. Il est plus pertinent de se concentrer sur des critères objectifs tels que les budgets, la taille et la localisation des clients plutôt que sur des considérations morales ou éthiques, qui varient d'un individu à l'autre. Cela permet de construire une stratégie commerciale ciblée, spécialisée dans des services simples et abordables pour des associations ou des petites entreprises, sans ajouter de fonctionnalités superflues.

On ne vend pas des logiciels open source. L'open source n'est pas une valeur ajoutée en soi dans une transaction commerciale. C'est un moyen pour les entreprises de partager des biens communs et de réutiliser le travail des autres sans licence, s'exonérant ainsi de la rente d'innovation (pouvant générer un manque de financement en R&D mais c'est un autre sujet). L'objectif de l'open source est la réduction des coûts, l'absence de verrouillage technologique, la compatibilité et la personnalisation.

L'open source ne résout pas la question de la gouvernance. Si une entreprise dépend d'un outil open source dont la gouvernance ne protège pas ses intérêts stratégiques, elle est en danger. L'open source peut même devenir un argument de vente contre car le client ne peut s'assurer de la pérennité de son service. L'entreprise doit contrôler l'utilisation de l'open source et assurer une gouvernance transparente pour continuer à en bénéficier tout en protégeant ses intérêts. Une coopérative permet d'associer en une même forme la propriété et la gouvernance, garantissant ainsi que l'entreprise peut résoudre les conflits d'intérêts et se pérenniser.

Les coopératives permettent de gouverner des intérêts partagés. Elles affichent clairement leurs propriétaires et impliquent tous les acteurs de l'entreprise en cas de difficulté, comme le montre l'exemple de Data Players. Les sociétés anonymes sont utiles pour répartir des risques entre de nombreux actionnaires. Cependant, une société anonyme à responsabilité limitée manque souvent de clarté sur ses responsabilités et ses intérêts, tout comme une association avec une gouvernance hiérarchique et fermée.