Donner la parole aux acteurs du terrain
Réponse à l'initiative Boulot et Passion de l'association Debout! pour la campagne de François Ruffin.
Je comprends et reconnais la volonté de cette initiative de faire remonter la réalité du terrain et de donner la parole à celles et ceux qui tiennent le pays debout. C’est une démarche bienvenue, mais je ressens une frustration profonde face à son manque de clarté sur l’objectif final. Collecter des données ou organiser des réunions ne suffit pas : qui participe vraiment ? Comment les informations sont-elles traitées, agrégées et utilisées ? Sans transparence ni méthodologie solide, on risque que tout cela reste lettre morte, comme tant d’autres consultations sans suite. Par ailleurs, le vrai problème n’est peut-être pas un déficit d’informations mais une déconnexion politique plus globale, un manque de reconnaissance et surtout une absence de marges de manœuvre pour améliorer durablement les conditions de travail, notamment dans les métiers en tension.
Il faut inciter les gens à partager concrètement leurs expériences sur des négociations de budgets, la consommation des ressources, ainsi que sur les bons et mauvais exemples de gestion qu’ils observent au quotidien. Beaucoup d’entre nous ont accès à des informations précieuses, parfois même confidentielles, qui mériteraient d’être révélées pour améliorer la transparence : taux d’absentéisme, cas de maltraitance, répartition inéquitable des efforts, ou encore des budgets alloués à des priorités mal ciblées. La question est : peut-on réussir à récupérer et diffuser ces informations importantes ? Ce travail de terrain doit permettre de mettre la lumière sur des dysfonctionnements, faire remonter des données tangibles et mobiliser pour des changements concrets.
Il est essentiel d’intégrer une phase de collecte de données centrée sur l’expérience vécue sur le terrain et dans les différents métiers. Cette collecte doit être réalisée de manière anonyme pour garantir la protection des personnes, tout en permettant une agrégation par secteurs d’activité et par zones géographiques. L’objectif est de quantifier précisément des éléments clés : le nombre de personnes concernées, les flux financiers, l’ampleur du gaspillage ou du mauvais usage des ressources, ainsi que la présence et l’ampleur des situations de maltraitance.
Une fois ces données rassemblées, il serait pertinent de collaborer avec des journalistes d’investigation pour approfondir ces informations. Leur travail d’enquête permettra de révéler et de confronter les pires cas identifiés, en apportant un éclairage médiatique nécessaire à la prise de conscience collective. Enfin, les résultats et constats issus de cette démarche pourront être portés devant les assemblées politiques, afin d’orienter des décisions concrètes et fondées sur la réalité du terrain. Ce processus vise à créer une chaîne transparente et efficace entre la parole des acteurs de terrain, l’investigation médiatique et l’action politique.
