Notes publiques de Romain

Retour sur l'onde de coop

La répartition de la parole proche des 1/50 donne l'impression de médiatiser quelques acteurs, sur l'estrade surplombant la foule. Le moment de la prise de photo du groupe des licoornes devant toute l'assemblée m'a semblé particulièrement démonstratif du culte de la personnalité, voir peut-être du fantasme du héro sauveur. On se laisse facilement prendre par la reconnaissance de l'égo quand beaucoup de monde nous regarde.

Il est possible d'organiser des événements différemment pour éviter ces pratiques. Peut-être qu'il faut quitter ces anciens bâtiments parisiens aux grandes salles sculptées pour des lieux plus humbles mais plus favorables aux discussions entre petits groupes. Je pense que le plus important est de permettre aux participants de témoigner de leur vécu mais aussi de s'exprimer sur ce qu'ils veulent voir advenir, afin de s'organiser tous ensemble dans la même direction.

Les coopératives vivent un paradoxe entre leur projet politique et économique. Il y a comme une juxtaposition des deux mondes fortement déconnectés aujourd'hui, sans repenser la relation entre les deux. On apporte la vision politique classique - celle de la représentation par une élite altruiste - et en même temps on veut réussir son aventure entrepreneuriale selon les critères habituels de l'économie libérale, excepté celui de faire des profits. Et encore il est facile d'argumenter que le profit a le potentiel d'augmenter l'impact. Il y a une belle communication sur les motivations ESS, mais les moyens changent peu.

J'avais envie de voir davantage d'ambitions sur les pratiques décentralisées et horizontales, grand potentiel des coopératives à mon sens. Partager plus le travail, enlever la subordination et atténuer la frontière entre employé, sociétaire et indépendant. Partager aussi la gestion et la production pour sortir des classes sociales. Que chacun puisse contribuer à la définition des objectifs collectifs, puis des siens en concertation avec les autres, en autonomie. Que chacun puisse contribuer à la production de valeur et se sentir utile pour la communauté. Les outils doivent diffuser l'information et les méthodes de la manière la plus accessible possible.

Cependant dans les coopératives médiatisées on observe une réplication des hierarchies de responsabilité, le travail à plein temps recruté sur fiche de poste avec lien de subordination, gestion opaque de l'information, distinction entre management et production. Je pense vraiment qu'être coopératif devrait aller beaucoup plus loin que faire des formations à la communication non violente et des groupes de discussions sur la rémunération, et voter une fois par an en assemblée générale, lesquels sont bien entendu nécessaires mais loin d'être suffisants.

Plutôt que de devenir les nouveaux "crédits mutuels" de ce siècle, et si nous voulons que les nouvelles générations aient envie de  participer, et que l'économie toute entière change pour ne plus détruire l'environnement, peut-être alors devrions-nous aller plus loin, beaucoup plus loin, dans notre déconstruction du travail et notre construction collective de la participation citoyenne.

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